La piste de la fiscalisation des allocations
familiales pour résorber les déficits a été officiellement mise sur la
table ce week-end par le président de la Cour des comptes, Didier
Migaud, et implicitement confirmée par le gouvernement. Les clés du
débat.
REUTERS/Rick Wilking |
Pourquoi les allocations familiales ne sont pas taxées en France
C'est un principe de la politique familiale française : les prestations familiales
ne sont pas soumises à l'impôt sur le revenu. En effet, elles ne sont
pas considérées comme un revenu mais comme une compensation de charges,
pour élever les enfants. Ce qui rendrait incompatible leur fiscalisation
explique un rapport du Haut Conseil de la famille publié en janvier 2011
(Retrouvez ici la liste complète des prestations exonérées).
Pourquoi certains estiment qu'elles devraient être taxées
La
politique familiale a une logique égalitaire qui vise à accorder à
toutes les familles le même niveau d'aides. Celles-ci doivent être
forfaitaires et indépendantes du revenu. Les allocations familiales
accordées sans conditions de ressources vont donc à l'encontre d 'un
principe fiscal français qui vise - normalement - à la redistribution.
Elles bénéficient en effet pareillement aux plus aisés comme aux plus
pauvres.
Un "défaut" que n'a pas manqué de pointer à plusieurs reprises
la Cour des comptes dans sa chasse continue aux niches fiscales et
sociales inefficaces. Didier Migaud, son premier président actuel, en a d'ailleurs remis une couche dimanche. "On peut considérer que c'est une prestation qui rentre dans les revenus et qui peut d'une certaine façon être fiscalisée", a-t-il
fait valoir sur Europe 1. Il n'est pas le seul ni le premier.
Régulièrement évoquée par la gauche comme par la droite, la réforme des
"allocs" est un sujet explosif, dont Alain Juppé en 1996 (qui voulait
les taxer) ou Lionel Jospin en 1997 (qui voulaient les conditionner) ont
fait les frais.
Pourquoi ça pourrait finir par arriver
Le gouvernement est aux abois. Le déficit du budget de l'Etat dérape à cause d'une croissance zéro qui ne donne aucun signe de redémarrage. Si l'objectif de réduction du déficit à 3% du PIB cette année a été officiellement abandonné,
un effort de rigueur supplémentaire devra être effectué.
Par ailleurs,
le Premier ministre a demandé un rapport au président du Haut conseil de
la famille Bertrand Fragonard, qui doit remettre fin mars "plusieurs
scénarios de réforme" pour rééquilibrer d'ici 2016 la branche famille.
Laquelle attend un déficit de 2,6 milliards d'euros en 2013 après 2,5
milliards en 2012. La nécessité absolue d'équilibrer les comptes publics
pourrait donc inciter l'exécutif à tenir bon malgré la levée de
boucliers inévitable. Officiellement, Bercy affirme ne pas vouloir se prononcer sur la fiscalisation
des allocations avant la remise du rapport Fragonard. Mais il confirme
indirectement que la piste est bel et bien sur la table. Même si
d'autres solutions sont également envisagées comme l'instauration de
conditions de ressources ...
Ce que cela pourrait changer concrètement
D'après
la Cour des comptes, seules les prestations accordées "automatiquement
et sans condition de ressources" seraient susceptibles de perdre leur
exonération à l'impôt sur le revenu, croit savoir Le Figaro.
Il s'agit des allocations familiales proprement dite : allocation de
soutien familial, aide à la famille pour l'emploi d'une assistante
maternelle, allocation de garde à domicile, allocation d'éducation de
l'enfant handicapé... lesquelles bénéficient à plus de 5,6 millions de
foyers. L'exonération correspondante représente un coût pour le budget
de 1,9 milliards d'euros (avec l'allocation aux adultes handicapés et
les pensions d'orphelin).
D'après un calcul effectué par la société Fidroit pour le Monde,
l'impact de la fiscalisation serait sensible. Ainsi un couple marié
avec deux enfants, gagnant 3000 euros net par mois et touchant 127,05
euros par mois d'allocations familiales verrait ses impôts augmenter de
17,6% à 843 euros au lieu de 717.
Didier Migaud a également évoqué
spontanément un autre dispositif: la majoration de 10% des retraites
appliquées aux parents de trois enfants. Fiscaliser cette majoration
permettrait de rapporter "800 millions d'euros supplémentaires" à l'Etat, a-t-il indiqué.
Source : L'expansion - Lundi 18 février 2013
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