mercredi 26 juin 2013

Surcharge de dossiers, tensions avec certains allocataires… le grand malaise des CAF face à la crise

L’explosion des demandes et la précarisation des publics mettent sous pression les caisses d’allocations familiales. La ministre de la Famille tente de désamorcer…


Francis REINOSO
« Je me suis surpris d’avoir eu à acheter une couverture antifeu ». L’acte désespéré d’un chômeur qui, l’été dernier, s’est immolé par le feu dans les locaux de la Caisse d’allocations familiales (CAF) de Mantes-la-Jolie a marqué durablement les esprits. 

Et pas seulement le directeur de la CAF de Haute-Vienne qui observe, par ailleurs, une hausse des incivilités. Autant d’actes, selon lui, révélateurs de « la grande souffrance des allocataires ». 

Allocataires dont le nombre augmente inexorablement au fur et à mesure que croît le chiffre du chômage et que se propage la précarité en France : + 24 % entre 2008 et 2012, les documents à traiter étant passés de 113 millions chaque année à 140 millions.


Risque de dérapage

Résultat, outre les fermetures de guichets au public afin de rattraper les retards de prise en charge des dossiers (cinq jours en moyenne au niveau national), « nous sommes dans une situation très délicate, les personnels sont fatigués, découragés », s’inquiète la directrice de la CAF de Loire-Atlantique. « Ce n’est plus tenable, il existe un réel risque de dérapage, renchérit l’un de ses collègues, nous sommes un service public pour lequel les effectifs sont essentiels pour être un amortisseur social ». 

Car le problème est là : les coupes annoncées dans le personnel, restrictions budgétaires oblige. « On entend des chiffres effrayants, 2 500 suppressions de postes, soit 4 à 5 % des effectifs de la branche famille (qui compte 34 000 salariés, ndlr) », s’alarme le patron de la CAF de Seine-Saint-Denis. « Nous sommes face à une annonce potentielle qui tomberait probablement au plus mauvais moment pour nous », embraie son homologue de Paris, qui crie à « l’injustice ».

Le malaise est là et les 102 directeurs des CAF du territoire en séminaire hier à Sochaux l’ont crié à la ministre de la Famille, Dominique Bertinotti, venue clore les débats. Laquelle tente de désamorcer les choses : « À écouter le ministre du Budget, les suppressions auraient été actées dès maintenant, on a obtenu une stabilisation des effectifs voire leur augmentation, le tout complété par des emplois d’avenir ». On parle de 700 embauches dont au moins 500 emplois d’avenir, une dernière perspective laissant perplexe, notamment les syndicats au sein de l’organisme. « Face au taux de chômage insupportable chez les jeunes, j’attends qu’ils viennent me dire droit dans les yeux qu’on ne peut pas prendre cette initiative », coupe la ministre.


Inquiétude à moyen terme

Mais la crainte réside surtout dans le caractère éphémère de cette stabilisation des postes : deux ans seulement sur les cinq sur laquelle s’étale la convention d’objectifs et de gestion qui tarde à être signée entre l’État et la Caisse nationale d’allocations familiales. « Je sais que ce n’est pas suffisant », reconnaît Dominique Bertinotti, laquelle brandit les efforts financiers consentis par l’exécutif, notamment le maintien à 7,5 % du taux d’évolution du fonds national d’action sociale.

Une manne stratégique, puisqu’elle permet de financer les places de crèches, centres de loisirs et autres actions en faveur des jeunes, qui pèse près de cinq milliards d’euros aujourd’hui (contre trois en 2004) et qui, en 2017, représentera plus de 6,5 milliards. Ou encore les près de 120 millions pour les réaménagements de locaux. Suffisant pour dissiper le malaise ? Par forcément, à écouter le directeur de la CAF de Haute-Loire : « Il y a certes des mesures de simplification des procédures à mener, mais sans efforts sur le personnel, je doute de pouvoir rester un acteur crédible sur mon territoire ».


Source : Vosges matin - Sébastien MICHAUX - Samedi 22 juin 2013

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