L’explosion des demandes et la précarisation des publics mettent
sous pression les caisses d’allocations familiales. La ministre de la
Famille tente de désamorcer…
Francis REINOSO |
« Je me suis surpris d’avoir eu à acheter une couverture antifeu ».
L’acte désespéré d’un chômeur qui, l’été dernier, s’est immolé par le
feu dans les locaux de la Caisse d’allocations familiales (CAF) de
Mantes-la-Jolie a marqué durablement les esprits.
Et pas seulement le
directeur de la CAF de Haute-Vienne qui observe, par ailleurs, une
hausse des incivilités. Autant d’actes, selon lui, révélateurs de « la
grande souffrance des allocataires ».
Allocataires dont le nombre
augmente inexorablement au fur et à mesure que croît le chiffre du
chômage et que se propage la précarité en France : + 24 % entre 2008 et
2012, les documents à traiter étant passés de 113 millions chaque année à
140 millions.
Risque de dérapage
Résultat, outre les
fermetures de guichets au public afin de rattraper les retards de prise
en charge des dossiers (cinq jours en moyenne au niveau national), «
nous sommes dans une situation très délicate, les personnels sont
fatigués, découragés », s’inquiète la directrice de la CAF de
Loire-Atlantique. « Ce n’est plus tenable, il existe un réel risque de
dérapage, renchérit l’un de ses collègues, nous sommes un service public
pour lequel les effectifs sont essentiels pour être un amortisseur
social ».
Car le problème est là : les coupes annoncées dans le
personnel, restrictions budgétaires oblige. « On entend des chiffres
effrayants, 2 500 suppressions de postes, soit 4 à 5 % des effectifs de
la branche famille (qui compte 34 000 salariés, ndlr) », s’alarme le
patron de la CAF de Seine-Saint-Denis. « Nous sommes face à une annonce
potentielle qui tomberait probablement au plus mauvais moment pour nous
», embraie son homologue de Paris, qui crie à « l’injustice ».
Le
malaise est là et les 102 directeurs des CAF du territoire en séminaire
hier à Sochaux l’ont crié à la ministre de la Famille, Dominique
Bertinotti, venue clore les débats. Laquelle tente de désamorcer les
choses : « À écouter le ministre du Budget, les suppressions auraient
été actées dès maintenant, on a obtenu une stabilisation des effectifs
voire leur augmentation, le tout complété par des emplois d’avenir ». On
parle de 700 embauches dont au moins 500 emplois d’avenir, une dernière
perspective laissant perplexe, notamment les syndicats au sein de
l’organisme. « Face au taux de chômage insupportable chez les jeunes,
j’attends qu’ils viennent me dire droit dans les yeux qu’on ne peut pas
prendre cette initiative », coupe la ministre.
Inquiétude à moyen terme
Mais
la crainte réside surtout dans le caractère éphémère de cette
stabilisation des postes : deux ans seulement sur les cinq sur laquelle
s’étale la convention d’objectifs et de gestion qui tarde à être signée
entre l’État et la Caisse nationale d’allocations familiales. « Je sais
que ce n’est pas suffisant », reconnaît Dominique Bertinotti, laquelle
brandit les efforts financiers consentis par l’exécutif, notamment le
maintien à 7,5 % du taux d’évolution du fonds national d’action sociale.
Une
manne stratégique, puisqu’elle permet de financer les places de
crèches, centres de loisirs et autres actions en faveur des jeunes, qui
pèse près de cinq milliards d’euros aujourd’hui (contre trois en 2004)
et qui, en 2017, représentera plus de 6,5 milliards. Ou encore les près
de 120 millions pour les réaménagements de locaux. Suffisant pour
dissiper le malaise ? Par forcément, à écouter le directeur de la CAF de
Haute-Loire : « Il y a certes des mesures de simplification des
procédures à mener, mais sans efforts sur le personnel, je doute de
pouvoir rester un acteur crédible sur mon territoire ».
Source : Vosges matin - Sébastien MICHAUX - Samedi 22 juin 2013
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