Engagée depuis longtemps dans le combat pour
l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes cadres, la CFDT
Cadres propose un nouveau levier : instaurer en France un congé paternité de deux mois.
PLAFOND DE VERRE ET DISCRIMINATION SALARIALE
PLAFOND DE VERRE ET DISCRIMINATION SALARIALE
Les chiffres sont têtus, les inégalités professionnelles perdurent.
Elles sont encore plus marquées en termes de carrière et de rémunération
pour les cadres. C'est pour les femmes cadres qu'on mesure le plus
grand écart de rémunération à qualification et poste équivalents
notamment à partir
de 35/40 ans. Il leur faut souvent le recours aux quotas pour accéder
aux responsabilités et ces discriminations pèsent sur leur retraite. Les
choses évoluent peu, il est donc temps de changer de paradigme.
Les réponses aux inégalités professionnelles ont souvent conduit à
des aménagements autour du congé maternité. Ces aides à la parentalité
ont amélioré le quotidien des jeunes parents mais elles n'ont pas réglé
la question des discriminations. Pour les jeunes femmes cadres en
particulier, le problème est ailleurs.
La CFDT Cadres propose aujourd'hui de revendiquer un vrai congé de paternité significativement long pour modifier les représentations sexuées dans le travail. Si demain le jeune père dispose d'un droit à congé de paternité long, recruter un jeune, homme ou femme, impliquera alors d'imaginer l'organisation du travail et les évolutions de carrière en conséquence. Nous avons pour objectif de faire sauter
un verrou psychologique auprès des décideurs en entreprise ou dans les
administrations, souvent des hommes, verrou lié à une représentation de
la performance corrélée à une demande de présence et de disponibilité
quasi-permanente. Ainsi, tant que la jeune femme portera seule le risque
potentiel d'une absence longue pour cause de parentalité, quelles que
soient ses compétences, elle ne pourra représenter le profil du cadre
efficace et investi dans son travail.
Il ne s'agit pas de revendiquer
un avantage pour les cadres mais il nous semble que cette évolution du
droit parental acquise pour tous sera un vrai levier d'égalité
professionnelle dans le monde du travail.
UNE RÉPONSE À DE NOUVELLES ATTENTES
Les "attitudes culturelles" évoluent. Les jeunes pères considèrent qu'il est bon de consacrer
du temps à leur enfant quand il est tout petit. Même si cette
aspiration est aujourd'hui contrainte par les habitudes et les
mentalités, une partie de ces jeunes pères, notamment les plus diplômés,
diminuent désormais leur temps de travail à l'arrivée d'un enfant (D.
Méda et H. Périvier, "le deuxième âge de l'émancipation").
Les jeunes pères craignent à juste titre
en l'état actuel qu'un congé long nuise à leur carrière. L'expérience
de leurs collègues femmes montre que la moindre absence est vite
considérée comme un désengagement vis-à-vis du travail.
La maternité est l'une des discriminations relevées par la Halde.
Dans l'univers du travail, la prise en charge des questions de vie privée pour un homme est vécue comme un véritable désengagement par la majorité des employeurs comme par les collègues. La représentation sociale des rôles dans la famille est encore très sexuée. Dans ce contexte, si la loi imposait un congé paternité plus long, elle dédouanerait ces jeunes pères de la nécessité de justifier un choix personnel aujourd'hui marginal et contribuerait progressivement à changer les habitudes et les représentations.
La maternité est l'une des discriminations relevées par la Halde.
Dans l'univers du travail, la prise en charge des questions de vie privée pour un homme est vécue comme un véritable désengagement par la majorité des employeurs comme par les collègues. La représentation sociale des rôles dans la famille est encore très sexuée. Dans ce contexte, si la loi imposait un congé paternité plus long, elle dédouanerait ces jeunes pères de la nécessité de justifier un choix personnel aujourd'hui marginal et contribuerait progressivement à changer les habitudes et les représentations.
RENDRE L'ACCÈS AU CONGÉ DE PATERNITÉ ATTRAYANT
La compensation financière pendant ce congé doit être en rapport avec
la rémunération antérieure pour les hommes comme pour les femmes. Pour
que les couples l'envisagent comme une opportunité à saisir, il est impératif que le manque à gagner
financier soit acceptable. Le salaire du jeune père en congé paternité
peut être légèrement moindre, prenant en compte par exemple les frais de
garde qui sont ainsi économisés mais la rémunération du congé paternité
doit rester attractive faute de quoi il restera un droit virtuel non utilisé.
Des entreprises compensent déjà le manque à gagner
sur le congé paternité de onze jours. La CFDT Cadres propose que la
rémunération de ce congé soit au moins égale à 80% du salaire avec un
plafond égal à deux fois le plafond de la sécurité sociale. C'est la
condition pour qu'un jeune cadre imagine s'arrêter quelques semaines
pour s'occuper de son jeune enfant.
Pour modifier
les comportements actuels tant dans la famille que dans le travail, ce
congé doit être rattaché au père avec le principe "pris ou perdu". Ce
sont là deux facteurs facilitateurs évidents. Certains Etats européens
ont déjà adopté un congé paternité conséquent et non transférable,
notamment l'Espagne récemment ; la France peut s'engager dans cette voie.
Trouver de nouvelles voies pour améliorer l'équilibre entre vie professionnelle et vie privée et favoriser
ainsi l'égalité professionnelle, source de richesse pour tous, est
maintenant l'affaire des hommes et d'abord celle des pères. Les jeunes
expriment le souhait d'un meilleur équilibre et souhaitent conjointement
prendre
en charge la vie familiale. Accompagnons ces nouvelles demandes
sociales : c'est le sens de cette proposition de congé paternité que la
CFDT Cadres est prête à négocier dans toutes les instances susceptibles
de le mettre en œuvre.
Source : Le Monde - Par Monique Boutrand, secrétaire nationale de la CFDT Cadres, membre du Conseil économique social et environnemental - Tribune du 07 mars 2011
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